Célébration de l’Accumulation 

Pour mes 50 ans, j’ai invité le cercle familial, amical, social et des voisins de la maison commune du quartier où se trouve mon atelier pour célébrer avec moi ce jalon de maturité.

Pour dépasser la simple réunion-invitation, j’imagine une installation artistique que j’intitule « Célébration de l’Accumulation » et que je fais déployer dans les lieux où je crée- mais aussi simule d’habiter depuis deux ans et demi.

Dans la 1ère salle, j’ accroche, au moyen de grilles d’exposition en fer, un ensemble d’objets personnels, d’archives telles que des lettres d’amoureuses ou anonymes, des photos sibyllines, des pages exposées de mes journaux intimes, des cheveux et des cahiers d’enfant.  

Dans la 2e salle, décorée comme mon salon, j’expose toutes les cartes d’anniversaires reçues depuis que j’en reçois. Accumulation. Cette salle permet surtout aux convives de boire et manger ; j’y passe la majeure partie de mon temps afin d’ancrer l’installation dans le présent pour créer un moment unique et aucunement archivable d’immersion collective dans cet espace où je suis le lien vivant entre touxtes.

Sur le palier, je recrée un mini espace type chambre d’adolescente et expose tout l’univers de la fête, la musique, d’un temps révolu où j’allais en rave party, échappatoire hédoniste mais formateur de ma personnalité, au travers de flyers, posters, lettres et photos- y compris mon procès-verbal d’arrestation par la police en 1995.

L’atelier/présent reste bien visible, je mets en scène l’aspect installation. Je labellise tout à la main de manière à donner des informations supplémentaires mais sans détails excessifs. Je transcende les histoires, je montre les rituels de jeunesse, j’affirme les liens qui me liaient aux autres et j’expose les peurs telles que la maladie ou la mort, notamment dans mes carnets.

Que le public me connaisse parfois si intimement suppose de sa part un voyeurisme, et par là-même une gêne, une pudeur, à découvrir mes vieux secrets, ces comportements inavoués et ces objets intimes, normalement discrets. Qui se vante de son avortement ou de voler le couteau d’un défunt? Mais aussi, que pensent mes proches lorsqu’ils découvrent mon exhibitionnisme? (Iels ne m’en diront rien, même après.)

Inciter celles et ceux qui me connaissent à voir ce qui d’ordinaire est de l’ordre de l’intime donne à cette installation éphémère toute sa force.  Pourquoi fétichiser toutes ces archives ? Le temps passé leur donne désormais une grille de lecture sociologique et les choix de monstration déterminent une curation mais par leur réception. Surtout avec un public partiel comme ses proches.

Je suis consciente d’un manque total de pudeur. Je suis moins intéressée par la dimension égocentrique et égocentrée que par la nécessité de faire exploser tous les secrets- familiaux ou de bienséance. 

J’exhibe tous mes objets dans une époque de grand déballage intense. Je ne suis pas morte mais la perversité assumée de ce dispositif me pousse à jouer à l’être : à assembler toutes mes archives comme si je l’étais. Je crée ainsi mon propre mausolée peut être pour me protéger de la mort.

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